Qui sont les quatre plus grands personnages de la Première Guerre Mondiale ?

Août 1914, les Allemands pénètrent sur le territoire français et tentent de l’envahir. Un véritable front se forme sur des centaines de kilomètres au nord-est de l’Hexagone. Ce n’est bien sûr pas la première fois qu’une bataille se déroule sur le territoire français ; mais c’est pourtant la première fois qu’une guerre d’une telle ampleur éclate, une guerre qui va mobiliser tout le peuple français pour soutenir le front, une guerre qui utilise toutes les ressources du pays qu’elles soient humaines ou matérielles, une guerre qui pour la première fois est qualifiée de « guerre totale ». C’est la Grande Guerre. Héritages vous propose de plonger dans cette sombre période à travers quatre personnages illustres qui ont marqué la Grande Guerre, quatre profils très différents qui, chacun selon son rôle, ont participé au retentissement de la victoire du 11 novembre 1918.

Charles Péguy, l’écrivain sacrifié

“En temps de guerre celui qui ne se rend pas est mon homme, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne et quel que soit son parti. Il ne se rend point. C’est tout ce qu’on lui demande. Et celui qui se rend est mon ennemi, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, et quel que soit son parti. Et je le hais d’autant plus, et je le méprise d’autant plus, que par le jeu des partis politiques il prétendait s’apparenter à moi.”

Charles Péguy naît le 7 janvier 1873 à Orléans, dans une famille modeste. Normalien disciple de Bergson, socialiste aux côté de Jean Jaurès, dreyfusard, il est avant tout l’un des plus grands écrivains français du XXesiècle. Face à la menace d’une invasion allemande dès 1905 avec la crise de Tanger, un profond nationalisme commence à agiter la France, notamment pour cette génération bouleversée par la défaite de 1870. Le Péguy patriote prête sa plume à une prose engagée qui enjoint ses contemporains à défendre ce patrimoine à la fois temporel et spirituel : dans Notre Patrie, l’écrivain s’inquiète de cette France menacée, non pas seulement la France de 1905, mais la nation millénaire, qui porte à travers son histoire et sa culture les valeurs de liberté auxquelles Péguy est si attaché. Son œuvre ne s’appuie pas seulement sur une mystique de la patrie mais bientôt également sur une mystique spirituelle qu’il va exprimer à travers des rimes chargées de spiritualité, car en effet, Charles Péguy revient progressivement à la foi catholique dès 1908. Mais il se retrouve à la veille de la guerre durement isolé : écarté d’une part des socialistes dont il refuse le pacifisme, rejeté d’autre part par l’Eglise dont il critique le conservatisme, Péguy se tourne alors résolument vers cette guerre qui s’annonce et il appelle de ses vœux la « génération de la revanche ».

En 1914, Péguy a 41 ans, âge qui lui permettrait de ne pas participer à la Première Guerre Mondiale. Mais il tient fermement à s’engager, devient lieutenant dans le 276e régiment d’infanterie, et est mobilisé dès le début du mois d’août. Le 5 septembre 1914, le régiment atteint Villeroy, près de Meaux. L’étendard est brandi et Péguy, en tête, récite sur le chemin quelques psaumes qui exaltent sa foi et lui donnent du courage. On sait l’ennemi non loin… Mais soudain, il faut prendre position, car l’ennemi allemand a ouvert le feu avec férocité. Les français, armés encore à la façon de 1870, en uniforme rouge et bleu avec pour armes de simples baïonnettes, tombent sous les obus de l’ennemi, canardés comme des lapins. Ils n’ont pas de quoi répondre à cette artillerie lourde, moderne. Alors, le lieutenant Péguy prend le commandement du régiment, il ordonne une charge, il s’élance en première ligne, sabre au clair, dans un formidable acte de bravoure. Il vocifère, il harangue ses hommes à tirer, à se battre…mais soudain, il est touché d’une balle en plein front, et s’effondre au sol. La France vient de perdre l’un des plus grands poètes de ce siècle, disparu trop tôt… Il est le premier intellectuel français tombé dans les combats de 1914. Nous sommes précisément la veille de la bataille de la Marne (du 6 au 12 septembre) qui, si elle est une victoire française, est aussi l’une des batailles les plus meurtrières de la Grande Guerre.

Le saviez-vous ? Les dernières paroles du lieutenant Charles Péguy furent « Mon Dieu ! Mes enfants ! … ».

Maréchal Joffre, le génie des taxis

Joseph Joffre naît en 1852 à Rivesaltes. Polytechnicien, officier dont la carrière est marquée par les expéditions coloniales, il est nommé en 1911 Chef d’état-major général de l’armée et vice-président du Conseil supérieur de guerre, alors qu’il a déjà une soixantaine d’années. À la veille de la guerre, son pouvoir de décision est bien supérieur au gouvernement, c’est lui qui sera en charge de commander les opérations et comme il le dit : « Le pouvoir exécutif a abandonné au pouvoir militaire la conduite de la guerre ». Il est l’instigateur d’un plan de mobilisation prévoyant « l’offensive à tout prix » en cas de guerre : il s’agit du fameux plan XVII, adopté dès 1913. Ce plan militaire prévoit une offensive rapide en Lorraine avec l’idée qu’en concentrant ses forces on pourra rapidement repousser l’ennemi, mais la grosse faille réside dans le fait que ce plan ne tient absolument pas compte du plan Schlieffen, le plan allemand, qui consiste en une invasion rapide à marche forcée passant par la Belgique. La guerre éclate fin juillet 1914. Le général Joffre minimise la menace, et essuie les premières défaites : les Batailles des frontières, du 14 au 24 août, sont atrocement meurtrières pour l’armée française. La bataille des Ardennes fait 40 000 morts côté français en seulement deux jours. Joffre doit alors ordonner le repli stratégique de ses troupes vers le nord de Paris. Les troupes françaises sont sur le point de succomber face à l’offensive allemande, la guerre est en passe de se terminer en quelques semaines à peine… Mais tout change quelques jours plus tard, à la Bataille de la Marne, grâce à Joffre…

Les allemands, sûrs de leur victoire, retirent deux divisions de leur armée pour les envoyer sur le front russe. Fatale erreur ! L’aile droite est affaiblie et présente son flanc à l’ennemi. C’est alors que Gallieni (gouverneur militaire) saisit cette chance au vol : il y voit l’opportunité d’une contre-attaque et convainc Joffre d’attaquer les troupes ennemies sur le flanc droit. Le choc est titanesque, les pertes sont énormes de part et d’autre, mais la contre-attaque fonctionne à merveille : l’invasion est stoppée net. Un combat acharné est livré durant une semaine sur les champs de la Marne jusqu’à ce que les troupes des deux camps, voyant l’impasse de cette bataille, cherchent une faille en tentant de se déborder l’une l’autre vers l’ouest : c’est la fameuse « course à la mer », qui durera jusqu’à mi-novembre et se soldera par la stabilisation du front et le début de ce qu’on appelle « la guerre de tranchées ». 

A la suite de ces opérations fructueuses, Joffre est nommé Commandant en chef des armées françaises, mais il se voit de plus en plus critiqué par les milieux politiques français qui désapprouvent son trop grand pouvoir de décision, qualifié de « dictature de l’Etat-major ». Les critiques s’intensifient après la Bataille de la Somme en 1916, dont les résultats sont jugés insuffisants. Le gouvernement fait alors des manœuvres pour l’écarter progressivement, en le nommant Conseiller technique pour la conduite de la guerre. Il préfère donner sa démission, et c’est alors qu’il est remplacé par Nivelle, qui ne fera pas long-feu et sera rapidement remplacé lui-même par Pétain. Fait Maréchal de France, en consolation de sa destitution, il est chargé d’une mission en Amérique dès 1917. Celui qu’on surnomme « le sauveur de la Marne » s’éteint en 1931, et fait l’objet d’obsèques nationales pour cet homme qui a tant fait pour la France.

Le saviez-vous ? Pour suppléer au manque de train dans l’opération de contre-attaque, Joffre et Gallieni décident de réquisitionner les taxis parisiens le 6 septembre et en l’espace d’une nuit, 630 taxis acheminent depuis Paris près de 3 000 soldats jusqu’au champ de bataille. Symbolisant l’engagement de toute une nation aux côtés des soldats, cette opération va être surnommée « les taxis de la Marne ».

Raymond Poincaré, Président de la République et ardent nationaliste

Raymond Poincaré naît à Bar-le-Duc en 1860. Dans son enfance, il assiste à l’invasion des armées prussiennes, et de là va naître un fort patriotisme lorrain et revanchard. Avocat célèbre, sénateur puis ministre, Poincaré est un homme politique en retrait des querelles (Dreyfus, loi de 1905), ce qui fait de lui un modéré, apprécié de la droite et de la gauche. En 1912, il devient Président du Conseil (l’équivalent de notre actuel Premier Ministre), et il mène à cette époque une politique étrangère de fermeté envers l’Allemagne et de rapprochement avec les tsars et l’Angleterre, tout en accélérant le réarmement du pays. C’est lui qui, en 1913, à la veille de la guerre, est élu à la Présidence de la Troisième République. Prévoyant, il prépare le terrain pour la potentielle guerre à venir, la « revanche » contre les Allemands, et fait passer la loi qui porte à trois ans la durée du service militaire. Il entreprend également des voyages en Russie pour renforcer les alliances. Fin juillet 1914, alors qu’il est en visite chez le tsar, il doit rentrer en catastrophe en France, car les Allemands ont déclaré la guerre. Le 1eraoût, il annonce la mobilisation générale : tous les hommes, et même les curés, sont obligés de s’engager.

Poincaré prend alors en main le destin politique des institutions : dans un message lu à la chambre des députés, il se fait l’artisan de ce qu’il appelle « l’Union Sacrée », expression qui désigne selon sa volonté un climat de trêve politique. Cette union vise à une réconciliation nationale entre les tendances politiques durant le temps que durera la guerre, à un moment où les divisions sont fortes entre d’une part les socialistes militant pour le pacifisme, et d’autre part les catholiques révoltés contre le pouvoir à cause de la loi de 1905. L’Union sacrée de Poincaré fonctionne un temps mais se délite dès fin 1915 avec le retrait des socialistes.

Face aux mutineries et grèves qui ont marqué la sombre année 1917, à la faiblesse du pouvoir politique de plus en plus déchiré, aux difficultés et défaites militaires de plus en plus nombreuses, Poincaré se voit contraint de faire appel à un homme qui saura mener la situation d’une main de fer : en novembre 1917, il nomme comme Président du Conseil George Clémenceau, cet illustre personnage au passé politique immense qui a su sortir la France de plusieurs crises politiques. Poincaré vient d’appeler au gouvernement son adversaire politique de toujours. Il le fallait, pour le bien de la nation. Jusqu’à la fin de la guerre, Poincaré gouverne dans l’ombre de Clémenceau, qui parvient à remobiliser le pays et à obtenir la victoire. C’est Clémenceau qu’on surnomme « le Tigre » ou encore « le Père de la victoire », c’est lui qui va négocier et signer le Traité de Versailles, et pas Poincaré, car dans ce système de la Troisième République le Président du Conseil a plus de pouvoir que le Président de la République.

En 1920, à la fin de son mandat, Poincaré quitte l’Elysée avec une image prestigieuse. Considéré comme un « homme providentiel », il va être rappelé au pouvoir à deux reprises en tant que Président du Conseil, notamment au moment de la crise financière de 1926. Fort de son expérience de la guerre, il forme à ce moment-là un cabinet d’union nationale, et parvient à une stabilisation de la situation économique grâce à une gouvernance autoritaire. Il se retire de la vie politique en 1929, pour des raisons de santé, et s’éteint en 1934, laissant derrière lui une magnifique carrière politique et des mémoires publiées sous le très beau titre Au service de la France.

Le saviez-vous ? Le président Poincaré est proche de ses soldats : il n’hésite pas à aller sur le front, effectuant une visite en moyenne tous les quinze jours pour juger du moral des troupes. Il se rend essentiellement dans les tranchées de la Meuse et de la Somme, parfois au péril de sa vie.

Marie Curie, une scientifique engagée dans la guerre

Marie Curie est une physicienne française d’origine polonaise, née à Varsovie en 1867. Elle débarque dans la capitale française à 24 ans pour effectuer des licences de mathématiques et de physique, qu’elle réussit brillamment. C’est alors qu’elle fait des recherches sur l’acier à l’Ecole de Physique et Chimie de Paris qu’elle rencontre son futur mari, le physicien Pierre Curie. Avec lui, elle entreprend des recherches sur le phénomène de radioactivité découvert par un autre scientifique, Henri Becquerel, et cela les amène à découvrir en 1898 deux éléments nouveaux, le polonium (nommé en hommage au pays natal de Marie) et le radium. En 1903, Pierre et Marie Curie sont récompensés par le Prix Nobel de physique : Marie est la première personne et encore aujourd’hui l’unique femme à avoir reçu deux Prix Nobel, puisqu’elle reçoit également celui de chimie en 1911. Elle fonde à la veille de la guerre l’Institut du radium à Paris (aujourd’hui l’Institut Curie, qui traite de la médecine nucléaire du cancer).

Dès le début de la guerre, Marie Curie se mobilise et milite pour que la radiologie s’installe au front. Elle imagine des appareils à rayons X permettant de repérer les fractures et localiser les éclats d’obus dans les corps des blessés. Dès le mois d’août 1914, elle obtient une attestation du Ministère de la Guerre pour mettre en place une équipe de manipulateurs en radiologie, et elle enseigne alors à plus de 150 élèves les bases de physique et d’anatomie (à la fin de la guerre, c’est 700 nouveaux radiologues qui auront été formés). Persuadée qu’il ne faut pas déplacer les blessés jusqu’aux hôpitaux qui étaient parfois à 100 km du front, elle crée des installations mobiles de radiologie : ce sont des voitures équipées en appareils radiologiques mobilisées sur le front. A la fin de la guerre on en dénombre plus de 850, surnommées les « petites Curies ». Marie Curie se rend elle-même à plusieurs reprises sur le front pour effectuer des radiologies de blessés. Comme il n’y a rapidement pas assez de personnel qualifié, la physicienne milite pour la formation d’infirmières et obtient la création d’un hôpital-école, et finalement ce sont plus d’un million de blessés qui sont ainsi radiographiés en quatre ans.

Après la guerre, Marie Curie reprend ses recherches à l’Institut du radium mais elle manque de fonds et le gouvernement ne la soutient plus. Elle va pouvoir poursuivre grâce à l’aide salvatrice d’une journaliste américaine qui lance en 1920 une collecte de fonds aux Etats-Unis. Finalement, la physicienne est rattrapée par la maladie des rayons, et elle s’éteint en 1934 à l’âge de 66 ans. 

Le saviez-vous ? En 2017, pour le 150e anniversaire de sa mort, elle est la première femme à entrer au Panthéon.

Si les vies de quelques grands personnages ont été évoquées ici, il faut penser aussi à tous ces anonymes de la guerre qui ont été mobilisés et se sont donnés pour leur pays : tous les poilus dans les tranchées, toutes ces femmes dans les usines d’armement, tous ces médecins et infirmières dans les hôpitaux… Ils sont la victoire de la France ! Nous vous expliquons en détails la première guerre mondiale ici !

Pour en savoir plus :

Par Isaure de Montbron

2 Comments