Lorsque Louis XIV (1638-1715) succède à son père Louis XIII en 1643, le nouveau roi d’à peine cinq ans est confronté à une situation difficile. La France est en effet engagée dans la Guerre de Trente Ans (1618-1648) contre les Habsbourg d’Autriche et d’Espagne. Par ailleurs, profitant de la mort de Richelieu, la noblesse demande plus de pouvoir et se rebelle lors de la guerre civile de la Fronde (1648-1653). Après de durs combats, le roi parvient à mater la révolte, et conclut, par l’intermédiaire de son ministre et parrain Mazarin, le Traité des Pyrénées qui met fin à la Guerre. Afin de sceller la paix, le roi épouse Marie-Thérèse d’Autriche, la fille du roi d’Espagne Philippe IV.
L’on peut tirer plusieurs enseignements de ces faits. En premier lieu, que Louis XIV se fait fort d’imposer son autorité et d’éviter à son Royaume la guerre civile. Il tâche pour ce faire de fidéliser sa noblesse. En second lieu que, le Royaume pacifié, grâce à une armée solide, les guerres de Louis XIV sont des guerres d’expansion souvent dynastiques. Enfin, qu’étant sorti vainqueur de ses premiers conflits, le Roi a une confiance absolue en ses armées et en leur capacité à lui donner la victoire, un optimisme lourd de conséquences.Â
Lorsque meurt le Roi d’Espagne en 1665, Louis XIV, marié à sa fille, fait valoir les droits de succession de son épouse. Il revendique alors la Flandre (Belgique actuelle), ainsi que la Franche-Comté, alors espagnoles. Après une campagne très facile et sans réelle opposition, le roi contraint l’Espagne à signer le Traité d’Aix-la-Chapelle et à lui céder les villes flamandes (Charleroi, Douai, Lille, Courtrai, Tournai entre autres).Â
Louis XIV décide ensuite d’attaquer les Pays-Bas, une République protestante qui fait horreur au roi catholique et autoritaire. Il s’allie pour ce faire à l’Angleterre, et les Pays-Bas à l’Espagne et à l’Autriche. Après une campagne-éclair brillante, les hollandais sont contraints d’ouvrir les digues et d’inonder leur pays pour arrêter l’avance des troupes royales. La guerre se solde par le Traité de Nimègue, qui donne à la France la Franche-Comté et des villes flamandes (Ypres, Valenciennes, Cambrai entre autres).Â
Les succès de Louis XIV et ses annexions irritent l’Europe entière, qui se réunit en 1686 à Augsbourg et signe un traité d’alliance contre la France. C’est la Ligue d’Augsbourg. La France lance une campagne en Allemagne dans le but d’effrayer l’Europe et de dissoudre la Ligue, qui réagit au contraire violemment. S’ensuit une longue guerre, difficile, sans alliés, alors que le Royaume connaît une grave crise économique et frumentaire. Le Traité de Ryswick, complexe, accorde à la France l’Alsace, en contrepartie de rétrocessions. Le résultat de la guerre est donc très mitigé.Â
C’est la guerre la plus longue et la plus difficile du règne de Louis XIV. Le roi d’Espagne Charles II, beau-frère de Louis XIV, meurt en 1700. Le roi fait alors valoir les droits de son petit-fils Philippe, duc d’Anjou, à la couronne d’Espagne, car les revendiquer pour lui aurait mobilisé l’Europe contre lui. Avec peu d’alliés, vite vaincus, et la majorité de l’Europe comme ennemis, les combats sont difficiles, d’autant que la situation intérieure est critique (famines, « Grand Hyver » de 1709, révoltes…). Louis XIV doit s’adresser directement à son peuple. Après des victoires et des revers nombreux, la paix est conclue à Utrecht en 1713 : Philippe devient roi d’une Espagne dépecée entre les alliés (à condition de renoncer au trône de France), et la France cède les villes de Tournai et d’Ypres, ainsi que des colonies au Canada.Â
L’armée
Le Royaume de France est le plus peuplé d’Europe à l’époque, avec à peu près vingt millions d’habitants, soit un quart de la population européenne. Cela permet à Louis XIV de disposer d’une armée massive. L’historien André Corvisier estime ainsi que l’armée comptait 380 000 hommes, sans compter la milice. Avec la marine, c’était donc en permanence un homme adulte sur dix qui était mobilisé.
L’armée a par ailleurs subi sous le règne de Louis XIV d’importantes réorganisations. La chaîne de commandement a ainsi été rationalisée et normalisée, avec par exemple la mise en place d’un tableau d’avancements fondé sur l’ancienneté et non plus la naissance. C’est alors que la baïonnette et l’uniforme (différent suivant le régiment) sont adoptés, et que les piques sont abandonnées. Enfin, le ravitaillement a lui aussi été réorganisé, afin de moins dépendre des réquisitions et du pillage, et de pouvoir disposer d’armées plus nombreuses. L’armée française enfin se distingue par ses chefs, nombreux et capables. On compte parmi eux le « ministre » de la Guerre, Louvois, grand artisan de la réorganisation de l’armée, ainsi que les maréchaux de Vauban, ingénieur en fortifications et père de la « ceinture de fer », Turenne, Villars, Luxembourg et quantité d’autres.
La Royale (marine de guerre)
Comme ceux de l’armée, les effectifs de la marine étaient pléthoriques. Ainsi, aux 70 000 marins et officiers de marine de la Royale s’ajoutaient les 100 000 garde-côtes en charge des fortifications côtières. La flotte de guerre quant à elle comptait des centaines de navires de tous tonnages, de la galère au bateau de 100 canons. Elle était divisée en deux flottes : en Atlantique celle du Ponant (Brest et La Rochelle) et en Méditerranée celle du Levant (Toulon). Ses chefs n’étaient pas moins prestigieux ou qualifiés que ceux de l’armée. Avec pour ministre au début du règne Colbert, et commandée par des amiraux comme Duquesne ou Tourville et des capitaines comme Jean Bart, elle fut capable de rivaliser avec les marines anglaise et néerlandaise.
Louis XIV aimait commander. Jeune enfant déjà , on avait construit pour lui une petite forteresse qu’il s’amusait à conquérir avec ses amis nobles. Il s’est toute sa vie montré passionné par les affaires militaires, assistant lui-même à des batailles et à des sièges.
Parce que grand mécène et amateur d’art, Louis XIV n’a pas manqué l’occasion de joindre ses deux passions, et de s’y faire représenter par des artistes. De là beaucoup de tableaux qui représentent le roi à la guerre, sur un cheval se cabrant, signe de puissance et de virilité, comme par exemple lors du siège de Besançon. Roi guerrier donc, Louis XIV veut renvoyer l’image d’un roi victorieux et, paradoxalement, protecteur de la paix. On peut ainsi voir Louis XIV sous les traits du Dieu de la guerre Mars, ou sur un certain nombre de ses bustes ou de ses portraits figurer l’emblème de la couronne de lauriers, attribuées par les romains aux généraux victorieux ; de même, de chaque côté de la Galerie des Glaces est disposé un « Salon » ; l’un est celui de la Paix, et l’autre, celui de la Guerre. Se développe donc un programme artistique.
Enfin, la guerre est un des éléments de ce que les historiens désignent comme l’absolutisme. L’absolutisme est l’idée selon laquelle un roi de droit divin dirige seul. Pour ce faire, le souverain doit disposer d’une très forte autorité, ce qui implique une armée solide et, pour fédérer ses sujets autour de lui, un état de guerre quasi-permanent. La guerre est donc centrale dans la vision politique de Louis XIV.Â
Par Paul Morelli pour Héritages