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La Gaule romaine expliquée en 5 minutes

07/02/2021 | by HERITAGES_OFF

« Qu’est-ce que la Gaule ? C’était un territoire grand comme la France et la Belgique, peuplé par les Gaulois. Et qui étaient les Gaulois ? De féroces guerriers aux torses nus et ennemis des Romains, les Belges étaient les plus vaillants. ». Voici ce que tout un chacun sait de la Gaule et des Gaulois, avec peut-être l’hydromel et le sanglier (Astérix et Obélix oblige). Or la Gaule, ce n’est pas tout à fait la France, et les Gaulois, furent certes de vaillants guerriers, mais aussi des artisans délicats.  

La Gaule est un espace mal indéfini. 

César la divisait en trois parties : l’Aquitaine, puis au-delà de la Garonne la Gaule « celtique », et enfin entre la Seine et le Rhin la Gaule « Belgique ». Or ces divisions sont arbitraires. En ce temps-là, en effet, la géographie ne fixait pas les limites des peuples, et l’on pouvait trouver des Germains des deux côtés du Rhin. Par ailleurs, Strabon, géographe grec du Ier siècle avant J.C., soulignait que les aquitains étaient très différents des autres peuples de Gaule, et l’on sait désormais que ces ancêtres des basques n’étaient pas des gaulois.[1]

La Gaule, ce n’était donc pas un espace en soi ; c’était une construction politique faite par César, qui lia arbitrairement des peuples sur un territoire arbitrairement délimité. 

Qui étaient les Gaulois ?

Les Gaulois constituaient pourtant des groupes de peuples homogènes. Tout d’abord, les gaulois étaient des celtes. Les celtes étaient des peuples guerriers et migrateurs originaires d’Allemagne du sud, qui se sont étendus de la Hongrie actuelle aux îles britanniques et à l’Espagne. D’ailleurs, la Guerre des Gaules débute lorsque les Helvètes, peuple gaulois qui habitait la Suisse actuelle, décidèrent de traverser la Gaule pour aller s’installer en Poitou.

Mais le temps passant, il n’y eut plus grand-chose en commun entre des celtes d’Irlande et des celtes d’Europe centrale. Les Gaulois eux-mêmes étaient une mosaïque de peuples, chacun occupant un oppidum (une ville-forteresse, comme Lutèce ou Alésia) et le territoire alentour. Les Eduens, les Arvernes, les Helvètes sont sans doute les plus connus. Souvent en guerre, ces peuples partageaient toutefois de nombreux points communs.

Le courage guerrier ou le courage gaulois, Baron François GERARD

La culture : langue et religion

Les peuples gaulois étaient culturellement proches. En effet, même si les gaulois n’avaient pas une langue unique, ils parlaient plusieurs dialectes très proches, chaque peuple ayant le sien. L’on a peu de traces cependant de ces dialectes, l’écriture n’ayant pas fait partie de la culture gauloise.

La culture celte en général, et gauloise en particulier, reposait en effet essentiellement voire uniquement sur la transmission orale, au point de n’avoir pas d’alphabet.

L’organisation sociale et politique

Les détenteurs de ce savoir étaient les druides, qui faisaient office de guérisseurs et de prêtres d’une religion assez souple qui vénérait un certain nombre de dieux (comme Teutatès/Toutatis, le dieu de la guerre) qui changeaient suivant les peuples. En plus astrologues, les druides avaient donc une place sociale et politique importante. L’une des spécificités des peuples gaulois était leur artisanat de haut niveau, en particulier dans la métallurgie. En témoignent leurs armes, de très bonne qualité, mais aussi leurs bijoux (bracelets, fibules) et leurs innovations techniques, comme la charrue, ou la roue !

Le « paysan » gaulois, qui constituait sans doute la majorité de la population, travaillait de petites parcelles, à l’inverse de l’agriculture romaine, basée sur les grandes exploitations. Il pratiquait l’élevage et cultivait surtout des céréales, parvenant à un rendement très élevé. Enfin, les nobles, qui disposaient du pouvoir politique et militaire, siégeaient dans des assemblées où se prenaient les décisions. La civilisation gauloise était donc une civilisation techniquement avancée et socialement très organisée ; l’art gaulois témoigne même d’un certain raffinement. 

Sculpture de deux têtes jointes par l’arrière du crâne (300 av. J.C.) découverte dans les Bouches-du-Rhône © E. LESSING/AKG-IMAGES[2]

Les Guerres des Gaules

Les guerres entre Gaulois et Romains n’ont pas commencé avec Vercingétorix et César, mais bien des siècles avant. En 390 avant J.C., par exemple, le chef gaulois Brennus pilla Rome et, selon Tite-Live, pendant la nuit, alors que les Gaulois escaladaient silencieusement les murs du Capitole où étaient réfugiés les romains, les cris des oies sacrées réveillèrent les défenseurs et sauvèrent la ville.[3]  

Les romains conquirent au IIIe siècle avant J.C. l’actuelle Lombardie, autour de Milan, nommée à l’époque Gaule Cisalpine et peuplée de Gaulois, puis la Provence, la vallée du Rhône et le Languedoc, à la fin du IIe siècle avant J.C., qu’ils nommèrent Transalpine, puis Narbonnaise. Telle était la situation lorsqu’en – 58 Jules César, alors proconsul (gouverneur) de Gaule, s’engagea dans les conflits internes des Gaulois, puis, une fois ceux-ci (imparfaitement) unifiés, contre Vercingétorix, qu’il battît à Alésia en – 52. La Gaule devint alors romaine. 

La Gaule romaine

La domination romaine était souvent indirecte : les romains laissaient les pouvoirs locaux en place, et n’exigeaient qu’une allégeance et un tribut. C’était tout particulièrement le cas en Gaule : César récompensa les chefs qui lui furent restés fidèles, et punit les autres. Après sa mort en – 44, le pouvoir romain ne s’imposa pas violement. Se produisit alors une ethnogenèse, c’est-à-dire la formation progressive d’un nouveau peuple, les Gallo-romains. 

Les élites gauloises se s’assimilèrent très vite aux élites romaines, bâtissant leurs maisons en pierre, adoptant le latin et s’intégrant à la politique romaine. La Table claudienne, par laquelle l’Empereur Claude donne des droits politiques aux élites gauloises, va dans ce sens. Ce sont ces élites qui firent (re)bâtir des villes à la romaine, telles que Lutèce ou Arles, avec un plan orthogonal et un amphithéâtre, des thermes, des temples, etc.  Il semble par ailleurs que les religions gauloise et romaine se soient mêlées, comme en témoigne l’art gaulois, qui de fantaisiste se fit plus « réaliste ».

Il faut toutefois nuancer en rappelant que la Gaule a conservé certaines spécificités, comme l’usage des dialectes gaulois qui a perduré au moins jusqu’au IIIe siècle, ou une agriculture de petites exploitations, les grandes villae romaines n’ayant pas été majoritaires. 

Entre les Romains et les Francs : la Gaule au Ve siècle.

A partir de la Crise du IIIe siècle, l’Empire romain se délita, et des pouvoirs locaux contestèrent l’autorité centrale. Il exista ainsi entre 260 et 274 un éphémère Empire des Gaules, dirigé par un général révolté, preuve que la Gaule conservait une certaine identité. En vertu du système du foedus(c’est-à-dire le traité selon lequel les Romains permettent à des peuples barbares de s’installer dans l’Empire à condition de le défendre), au milieu du Ve siècle, les Francs vinrent s’installer dans l’actuelle Belgique, les Burgondes dans l’Est et les Wisigoths au sud de la Loire. L’autorité romaine n’était plus que nominale, et les rois barbares tiraient un certain prestige de leur soumission à Rome.

Or lorsque l’Empire d’Occident disparut, en 476, les Francs de Clovis prirent l’avantage. Ils firent de la défaite de Syagrius, commandant gallo-romain isolé autour de Paris, la première étape de leur conquête de la Gaule. Une nouvelle ethnogenèse eut lieu, notamment autour du christianisme et via les élites. Il fallut enfin attendre le XIIe siècle pour que le terme de France s’impose non pas encore à la place, mais aux cotés de celui de Gaule, qui ne disparut que bien plus tard, autour des XVIe – XVIIe siècles.

A retenir

La Gaule, c’est donc un espace mal défini entre les Pyrénées, les Alpes et le Rhin, peuplé de celtes qu’on appelle les gaulois. Fiers guerriers mais aussi remarquables artisans, ils développèrent une culture originale, dont on conserve peu de traces. Après la victoire de César face à Vercingétorix en – 50, les Romains occupèrent l’ensemble de la Gaule. Les Gaulois enrichirent alors leurs cultures d’apports romains, donnant naissance à la remarquable synthèse de la civilisation gallo-romaine. Lors du déclin et de la chute de l’Empire romain, au Ve siècle, cette civilisation perdura, et se mêla avec celle de ses nouveaux occupants, les Francs, tandis que le terme de Gaule perdura jusqu’au XIIe siècle.

Notes

[1]César, La Guerre des Gaules, Livre I.

[2]https://lejournal.cnrs.fr/articles/qui-etaient-vraiment-les-gaulois#:~:text=Les%20Gaulois%20sont%20de%20bons,ont%20fait%20d%C3%A9couvrir%20ce%20nectar.

[3]Tite-Live, Histoire romaine, V.

Bibliographie

CESAR, « La Guerre des Gaules, Préface de Jean-Marie Duval et traduction de L.-A. Constans », Gallimard, Folio Classique, 1981, préface et notes.

JOYE, Sylvie, L’Europe Barbare, 476-714, Armand Colin, Cursus Histoire, 2010, p. 48 – 64

TESTARD-VAILLANT, Philippe, « Qui étaient vraiment les Gaulois ? », Journal du CNRS, juillet-août 2010, n°246-247, p. 18-27. 

WERNER, Karl Ferdinand, Les origines, avant l’an mil, Histoire de France, vol. 1, Fayard, 1984, p. 136 – 316.

Pour aller plus loin

  • BRUNAUX, Jean-Louis, Nos ancêtres les Gaulois, Points, Points Histoire, 2015.
  • CESAR, La Guerre des Gaules, Préface de Jean-Marie Duval et traduction de L.-A. Constans, Gallimard, Folio Classique, 1981.
  • DELAPLACE, Christine, France, Jérôme,Histoire des Gaules, VIe s. av. J.C. – VIe s. ap. J.C., Armand Colin, Cursus Histoire, 2020, sixième édition. 
  • TESTARD-VAILLANT, Philippe, « Qui étaient vraiment les Gaulois ? », Journal du CNRS, juillet-août 2010, n°246-247, p. 18-27.

Par Paul Morelli