28/03/2021 | by HERITAGES_OFF
Après plusieurs siècles d’hégémonie sur une large partie de œkoumène antique s’étendant sur trois continents, l’Empire Romain d’Occident n’est plus que l’ombre de lui même au V ème siècle. En effet, fragilisée depuis le III ème siècle à cause des migrations barbares et des luttes internes pour le pouvoir, Rome doit faire face à une nouvelle invasion à partir de 395, cette fois-ci menée par les Huns d’Europe et dont les conséquences sont multiples en Gaule et plus largement en Europe. Ainsi nous pouvons nous interroger sur le déroulé de l’invasion hunnique en faisant la part entre vérités et légendes. Pour cela, nous aborderons dans un premier temps le déroulé de la campagne avant de s’intéresser à sa bataille emblématique, les Champs Catalauniques (Champagne-Ardennes).
En 451, peu après après l’hiver qui empêche les campagnes militaires, Attila et ses Huns envahissent la Gaule en traversant le Rhin, pour des motifs toujours hypothétiques allant de l’ambition du conquérant, lui qui se fit sacrer sous le nom de « prince du monde entier » au ressentiment envers Rome entretenu depuis plusieurs années sous forme de rivalités politiques. Néanmoins, la Gaule, très affaiblie par les raids et les invasions barbares et par une famine, ne pouvait être attrayante pour un peuple désirant simplement accroître leur richesse aux moyens de pillages. Arrivés devant Metz le 7 avril 451 où, selon le chroniqueur Grégoire de Tours, « ils ravagent la campagne et quant à la ville, ils la livrent aux flammes, passent le peuple au fil de l’épée et tuent les prêtres du Seigneur eux-mêmes aux pieds des saints autels. » au prétexte que la cité ne s’était pas rendue à l’ultimatum donné. Seul l’oratoire de St-Etienne sera épargné, ce qui donnera lieu à une légende catholique… Puis ayant traversé la Gaule jusqu’à Orléans, les Huns commencent le siège de la ville (contrairement aux images d’Épinal, ils maîtrisaient parfaitement les techniques de sièges), défendue par son évêque Aignan (358-453), canonisé et fêté chaque année le 17 novembre. Heureusement pour ses habitants, la coalition commandée par Aetius, officier romain et par Théodoric roi des Wisigoths,mais rassemblant l’ensemble des peuples vivant en Gaule.
Néanmoins, les Alains du roi Sangibar restent plus ou moins loyaux à celle-ci, ce qui explique leur sacrifice lors de la bataille des Champs Catalauniques. Cependant, devant la cité orléanaise, seul des escarmouches ont lieu, les Huns adoptant leur stratégie habituelle, basée sur une retraite afin de trouver un meilleur lieu, permettant de maximiser leurs tactiques de combats. Pourtant, la légende s’empare du sujet et Aignan devient un relai entre le Ciel, qui lui parle et les orléanais . Celui-ci ira jusque dans la tête du chef hunnique le supplier de ne pas recommencer un massacre similaire à celui de Metz. Une autre fois, il apparaît ensuite à Aetius afin de le convoquer avant le 14 juin 451. Ainsi, ces événements donnant lieu à un véritable culte du saint, rendu célèbre par le deuxième roi des Francs, Robert II le Pieux (970;996-1031). Lors de sa retraite Attila arrive devant Troyes, ville dont les défenses sont inexistantes et non fortifiées. Néanmoins, la ville ne subira aucun dommage grâce à son évêque Loup ( 474 -479) qui, à l’instar de son confrère Aignan se rendra devant les Huns implorant leur clémence avec moult prières aux Cieux. Mais, les envahisseurs fascinés par sa personnalité le prie de les accompagner, ce qu’il accepte jusqu’au Rhin. À cela, la légende changea les faits puisqu’il est devenue un martyr, décapité par les Huns comme le narre «Les Légendes Dorés »du IX ème siècle.
« Il aime à conquérir, mais il hait les batailles/ Et veut que son nom seul renverse les murailles. » Acte IV, scène 1, Attila (1667), Corneille.
Les batailles des Champs Catalauniques ou fin de la campagne hunnique : 20 juin 451 ap.J-C
Cette bataille oppose deux civilisations, l’une occidentale, privilégie le choc frontal alors que l’autre préfére la rapidité et les feintes, ce qui en fait un combat de cavalerie où la coalition dispose d’un avantage. En effet, Aetius, qui a vécu parmi les Huns, connaît leur doctrine de combat et ne se laisse donc pas avoir par les ruses de ses adversaires. Ainsi, malgré une bataille extrêmement violente et longue (plus de 6h) qu’une maxime de l’époque justifie par « Que si quelqu’un pouvait rester oisif quand Attila combattait il est mort ».
Composé de plus de 100 000 hommes chacune selon les chiffres d’Arnaud Blin (1) et sont toutes internationales, les Huns ayant leurs alliés Gépides et Ostrogoths quand Aetius dispose d’un « melting-pot » romain, de Francs, de Wisigoths et d’Alains. Ces derniers vont finir par briser la résistance hunnique les obligeant à se replier dans leur camp fortifié avant de les laisser retourner en Germanie.
Cette bataille, que Jordanès résume en quelques mots, « Bataille terrible, complexe, furieuse, opiniâtre et comme on n’en avait vu de pareille nulle part » est décisive pour l’avenir de la Gaule puisqu’elle permet l’ascension des Francs d’abord avec Childéric Ier puis de Clovis en 481.
De plus, elle marque un tournant dans les relations internationales avec l’apparition de la notion de la souveraineté nationale par le Pape Gélase Ier ainsi que les rapports entre le Prince et l’Église. Enfin, elle est la première bataille à opposé l’Occident aux hordes des steppes asiatiques, inaugurant donc un millénaire de combats entre les civilisations.
Sources
Pour aller plus loin
Par Lucas Bertrand