by HERITAGES_OFF
« Vous avez eu, l’Alsace et la Lorraine, / Vous avez eu des millions d’étrangers, / Vous avez eu Germanie et Bohème, / Mais mon p’tit cœur vous ne l’aurez jamais, / Mais mon p’tit cœur lui restera Français ! »
Combattants français dans les tranchées
Ainsi se termine la chanson La Strasbourgeoise composée par Gaston Villemer et Lucien Delormel, sur une musique d’Henri Natif, qui fait suite à l’annexion de l’Alsace – Moselle au profit de la Prusse, après le Traité de Francfort de 1871. Cet esprit patriotique et revanchard imprègne la société jusqu’au début de la Première guerre mondiale en France, ce qui explique la disposition morale des soldats pour aller faire la guerre au « boche ». Néanmoins, comme son nom l’indique, la Première Guerre Mondiale est un conflit qu’il convient d’étudier à une échelle un peu plus vaste que notre seule France : De l’attentat de Sarajevo au traité de Versailles, qui a lieu cinq ans plus tard jour pour jour, la Grande Guerre s’inscrit au départ dans un cadre Européen qui s’ouvre peu à peu, selon un jeu d’alliances et d’intérêts politiques, à une dimension plus vaste jusqu’alors jamais égalée. Partons donc ensemble à la découverte du déroulement de ce conflit mondial pour mieux l’appréhender dans sa complexité !
LA MISE EN PLACE DE LA GUERRE DANS UN CADRE EUROPÉEN
28 juin 1914 : ce qui pourrait être un fait divers parmi d’autres prend vite une dimension inattendue. L’attentat de l’héritier du trône impérial d’Autriche Hongrie, François Ferdinand, alors en déplacement à Sarajevo pour faire la révision de ses troupes, est assassiné par Gavrilo Princip. L’acte de ce dernier – adhérant de l’association Jeune Bosnie, dont le but était d’unir les populations Slaves face à l’Autriche Hongrie – sert de prétexte à l’Empire austro – hongrois pour lancer une opération face à la Serbie, dont les revendications nationalistes inquiétaient l’empire. Il faut bien voir qu’à cette époque, la carte de l’Europe n’était en rien semblable à celle d’aujourd’hui et que les grands empires absorbaient une multitude de populations dont le désir d’indépendance se faisait de plus en plus prégnant à la suite du mouvement romantique européen (Cf article Romantisme + voir carte de 1914).
Le 23 juillet 1914, l’Autriche Hongrie alliée à l’Allemagne, lance donc un ultimatum à la Serbie. Les termes de celui – ci étant inacceptables, la Serbie refuse de le ratifier entièrement. S’en suit une déclaration de guerre dès le 28 juillet par l’Autriche. Entre alors en jeu un engrenage d’alliances qui, à partir de ce conflit frontalier, démultiplie les inimitiés. La Russie est, en effet, alliée à la Serbie et commence à mobiliser ses troupes, ce que l’Allemagne voit d’un mauvais œil puisqu’elle partage une frontière commune avec ce gigantesque pays. Ainsi, le 1eaoût 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie. La France, alliée de la Russie et inquiète de la mobilisation Allemande, commence également à préparer ses troupes, ce à quoi répond l’Allemagne par une nouvelle déclaration de guerre le 3 août. Lorsque le pays germanique prend l’initiative d’envahir la France en passant par la Belgique, alors pays neutre, l’Angleterre prend à son tour position en faveur de la France et Russie : la Triple Entente se concrétise afin de faire face à la Triple Alliance de l’Allemagne, l’Autriche – Hongrie et l’Italie. La guerre est déclarée et le conflit commence. On peut noter que la Triplice n’est cependant pas très significative puisque l’Italie décide de rester neutre dès le début du conflit et passe même aux côtés de la Triple Entente le 23 mai 1915, en échange de la promesse d’octroi de territoires sur la mer Adriatique, le Tyrol et la Turquie, en cas de victoire. L’Empire Ottoman vient néanmoins rééquilibrer les forces en prenant part à la guerre aux côtés des Empires Centraux, dès 1914.
4 ANNÉES DE CONFLIT : FOCUS SUR LA FRANCE
3 août 1914 : L’Allemagne déclare la guerre à la France. Ce premier pays n’attend pas longtemps pour l’envahir, tant et si bien que les troupes Allemandes se trouvent à une cinquantaine de kilomètres de Paris début septembre. Ainsi s’amorce la bataille de la Marne qui dure du 6 au 12 septembre 1914 et qui conjugue les efforts des troupes françaises et britanniques pour repousser l’envahisseur. Le général Joffre – alors en charge de la protection de la capitale – décide d’organiser une contre-offensive qui parvient à ouvrir une brèche dans le positionnement des troupes allemandes. Pour l’exploiter à leur avantage, les Français organisent un envoi massif de contingents militaires dans cette faille, grâce à la réquisition des taxis parisiens qui acheminent six-mille soldats sur le lieu de bataille. C’est le fameux épisode des « taxis de la Marne », connu comme étant le premier épisode de transport motorisé de troupes de l’histoire. Cette bataille aboutit au repli des troupes allemandes vers l’Aisne.
Venons-en à la guerre de tranchées avec la bataille de Verdun qui se déroule de février à décembre 1916. L’armée allemande décide alors de mettre à mal les troupes françaises en les épuisant et développe son artillerie, ce qui lui permet notamment de prendre le fort de Douaumont le 25 février. Les généraux français décident de mener la résistance et Pétain, désigné pour la défense de Verdun, met en place la « voie sacrée » afin d’assurer la logistique des troupes. La couverture d’obus lancée par les Allemands participe à la destruction du paysage et à la création d’ornières profondes que les soldats relient entre elles afin de se protéger des tirs ennemis : les tranchées, témoins du nouveau type de guerre dite « de position », apparaissent. Verdun est une victoire française qui marque les soldats par l’horreur des combats, due au développement des armes (gaz asphyxiants, lance – flammes, mitrailleuses…), ainsi que par l’important nombre de combattants qui y sont passés : une rotation des hommes y est organisée et ainsi, près de 70% des soldats français y ont participé.
En parallèle se déroule la bataille de la Somme, du 1er juillet au 18 novembre 1916. Ce conflit meurtrier a pour caractéristique de compter de nombreux britanniques – ainsi que des membres de leurs colonies – auprès des troupes françaises, alors épuisées et accaparées par Verdun. Face à l’horreur de la guerre, l’épuisement, les assauts meurtriers et le désespoir de ne pas retrouver les leurs, des mutineries éclatent en mai-juin 1917. Ce sont entre 30 000 et 40 000 mutins qui sont recensés dont quelques-uns sont condamnés à mort par les généraux, afin d’éviter que ce mouvement se propage… Ce qui met fin à ces soulèvements sont notamment les efforts de Pétain qui veille à redonner courage aux hommes en améliorant leur vie au front, en octroyant plus de permissions aux soldats et en tentant de mettre fin aux assauts inutiles.
VERS LA FIN DE LA GUERRE
Ce qui vient bouleverser les équilibres et redonner confiance aux combattants français est l’arrivée des troupes américaines aux côtés de la Triple Entente. En 1915, les Allemands décident de lancer une « guerre sous-marine à outrance » en torpillant tous les bateaux s’approchant des côtes françaises et britanniques, pour éviter leur ravitaillement. C’est ainsi que le 7 mai, le bâtiment Lusitania– qui transportait un nombre important d’Américains – est coulé. L’image des Allemands au sein de la population américaine bascule alors, bien que l’Allemagne décide de cesser cette guerre sous-marine pour un temps à la suite de cet incident. Mais en 1917, l’économie du pays germanique est asphyxiée et, en désespoir de cause, les sous-marins reprennent du service. C’est cela qui décide les Américains à entrer en guerre à partir du 6 avril, en plus de la volonté d’éviter une puissance Allemande trop grande en Europe et faire en sorte que la France et la Grande – Bretagne soient vainqueurs pour rembourser les prêts faits aux Etats Unis. Ces troupes fraîches, qui arrivent en Europe à partir de 1918, jouent un rôle crucial dans la grande contre-offensive victorieuse des Alliés. Elle est marquée en son début par la bataille de Bois – Belleau (juin 1918), menée par les troupes venues d’outre – Atlantique. La seconde bataille de la Marne, ou bataille du Rhin, qui dure du 27 mai au 6 août 1918, marque plus spécifiquement le retournement décisif de la guerre en faveur des Alliés.
Le Lusitania
Les Allemands n’ont plus la force de continuer la guerre. Le 3 mars 1918, ils signent ainsi le traité de Brest-Litovsk avec la jeune République russe Bolchevique, afin de mettre fin aux combats sur leur frontière Est. Le 11 novembre 1918 l’armée allemande se résout également à signer l’armistice à Rethondes avec la France et les Britanniques. Il faut, néanmoins attendre le Traité de Versailles du 28 juin 1919 pour conclure officiellement la fin des combats en Europe de l’Ouest. Des représentants des principales puissances victorieuses y sont présents : Georges Clémenceau pour la France, Woodrow Wilson pour les Etats Unis, Lloyd Georges en tant que premier ministre britannique, Vitorio Orlando en ce qui concerne les Italiens. Le président des Etats Unis cherche à appliquer les principes qu’il a exposé dans ses fameux « Quatorze points » du 8 janvier 1918, notamment l’idée de « Société des Nations » qui finit par aboutir. Néanmoins, la tentative par les Etats Unis d’éviter une trop lourde condamnation de l’Allemagne, afin d’empêcher un sentiment de revanche, n’aboutit pas : le pays est démembré et amputé de certains de ses territoires (Alsace – Moselle ; don de terre au nouvel état indépendant polonais…), son petit empire colonial lui est enlevé, son stock d’armes est strictement limité et des réparations financières doivent être payées aux Alliés. Dès lors, les Allemands voient ce traité comme un « diktat ». Là encore, l’engrenage de la Seconde guerre mondiale se met imperceptiblement en place : l’éternelle loi du talion fait entendre sa voix.
Traité de Versailles, 28 juin 1919
A retenir
Pour aller plus loin
Par Aurore Artignan pour Héritages