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La salle du Jeu de paume de Versailles, véritable symbole royal, va devenir le théâtre du début de la démocratie française le 20 juin 1789.  Cet instant clé est le fruit de la naissance d’une assemblée nationale qui, par son refus de soumission face au roi, décide de prendre des mesures. Le serment du Jeu de paume ainsi un acte fondateur de la révolution Française qui sera amplifié par l’oeuvre de Jacques-Louis David.

Le Jeu de paume

Le Jeu de paume est un sport très à la mode durant le XVIIème siècle. Il est l’ancêtre du tennis. Plus qu’un sport, il est également un moyen d’éducation des princes, un jeu codifié par l’étiquette. L’impact de ce sport explique les nombreuses salles présentes dans les résidences royales comme au château de Fontainebleau. Concernant la salle du Jeu de paume de Versailles, elle va être construite sous Louis XIV en 1686, ce dernier va demander à Nicolas Creté d’en réaliser la construction pour les besoins de la cour. La salle est une propriété privée, fréquentée par  la famille royale, la cour ainsi que les maîtres-paumiers parisiens. Le Jeu de paume passe cependant de mode et la salle ferme jusqu’en 1789 où une nouvelle page de son histoire s’écrit…

Le commencement de la révolution

Près de 100 ans après sa construction, la salle du Jeu de Paume fut le théâtre ainsi que le symbole de la Révolution. Il faut revenir à l’été 1788 lorsque la France traversait une grave crise financière renforçant le mécontentement du peuple français. Pour dissiper ce climat de tensions, Louis XVI va convoquer le 1er mai 1789 les Etats généraux à Versailles. Le roi va réunir des représentants de la noblesse, du clergé ainsi que du tiers état. Ces derniers ne vont pas être satisfaits des décisions prises lors des négociations. Le tiers état voulait des réformes : que l’on utilise le vote par tête et non pas le vote par ordre qui donnait la majorité à la noblesse et au clergé, ces derniers bloquant toujours leurs revendications Mais le roi va rejeter la proposition. Le tiers état décide le 17 juin de se constituer en assemblée nationale, ces derniers représentant alors 97% de la nation. L’accord du roi ne va pas être recherché, montrant ainsi la volonté de ne pas se soumettre au roi. Ils vont également s’allier avec quelques députés de la noblesse et du clergé qui accepteront de suivre leur projet.

A neuf heures du matin, le 20 juin 1789, le président Bailly accompagné de ses secrétaires Pison du Gallan et Camus se rendit à la salle des Menus Plaisirs à Versailles qui était  leur salle de réunion. Or en arrivant, la salle était gardée par des soldats du roi leur en empêchant l’accès. Une affiche les informaient que « le roi ayant résolu de tenir une séance royale aux Etats généraux, lundi 22 juin, les préparatifs à faire dans les trois salles qui servent aux assemblées des ordres exigeaient que ces assemblées fussent suspendues jusqu’après la tenue de ladite séance ». Le roi avait prévu une séance royale le surlendemain afin de casser cette nouvelle assemblée.  En colère, les députés décidèrent de ne pas attendre et de se réunir à quelques mètres, dans la salle du Jeu de paume avec l’Abbé Sieyès et sa célèbre formule « Partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale ». Le président de cet assemblée, Jean- Sylvain Bailly, lut un texte comportant une promesse: « Nous jurons de ne jamais nous séparer et de nous réunir partout où les circonstances exigeraient, jusqu’à ce que la Constitution du royaume fût établie et affermie par des fondements solides. »

Louis XVI, lors de sa séance royale le 23 juin à l’Hôtel des Menus Plaisirs, accorda quelques concessions au tiers état, mais les conflits demeurèrent. Le roi acheva la séance en annonçant la dissolution des Etats généraux et en leurs ordonnant de quitter la salle. Le tiers état accompagné du bas clergé restèrent immobiles. Dreux-Brézé, le maître de cérémonie essayer de les faire sortir, Mirabeau lui répondit  « je vous déclare que si l’on vous a chargé de nous faire sortir d’ici, vous devez demander des ordres pour employer la force ; car nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes ». Dreux-Brézé partit alors pour informer le roi. Louis XVI aurait répondu « Eh bien foutre ! Qu’ils restent ! ». Le 25 juin, on compte 47 nouveaux députés. Au fond de la salle,  le procès-verbal est exposé, c’est celui de la première assemblée nationale du 20 juin 1789 où chaque député présent a déposé sa signature, sauf un dont on respecta la liberté d’opinion.

L’histoire de l’oeuvre

Également présente dans la salle du Jeu de paume, une peinture représente l’événement du 20 juin 1789. Seulement la toile, réalisée par Luc-Olivier Merson en 1883, n’est qu’une reprise du dessin du Serment du Jeu de paume réalisé en 1791 par Jacques-Louis David. Ce dessin ne sera pas achevé en raison de personnes représentée dans la version originale et ne pouvant plus être montrées. La composition et en particulier les personnages va constamment varier au fil de la révolution. Le coût pour réaliser l’oeuvre va être également un obstacle ainsi que la disparition de cette « unité patriote », alors qu’elle était l’idée principale de ce tableau axé autour du Serment.

Jacques-Louis David est un peintre français qui est né en 1748 à Paris et décédé en 1825 à Bruxelles. Il va apprendre le métier de peintre en étant l’élève de Boucher puis de Vien. En 1744, il obtient le prix de Rome lui donnant accès à l’académie de France en Italie et cela pendant cinq ans.  En 1781, il expose l’oeuvre « Bélisaire secouru par un soldat » à Paris qui le rendra agrégé à l’académie royale de peinture. Grand artistes, il va réaliser en 1784 son premier grand succès le « Serment des Horaces ». Il peint ensuite de nombreuses grandes toiles comme en 1789 avec « Les Licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils ». On voit apparaître pour l’artiste un goût pour les histoires antiques. 

David ne sera pas choisi au hasard pour réaliser le tableau du Serment du jeu de Paume. En effet, il était un député montagnard à la Convention et était proche des mouvements populaires parisiens. Il participe aux évènements révolutionnaires de 1789. Il va donc utiliser son tableau comme moyen de commémoration mais également de « propagande ». Très engagé, ses activités politiques passeront même parfois avant sa passions pour la peinture, notamment en 1792 lorsqu’il est élu à la Convention. Il s’engagera par la suite auprès de Napoléon Bonaparte à partir de 1797 et réalisera pour lui de nombreux tableaux comme celui de 1804 « Sacre de l’empereur Napoléon Ier et couronnement de l’impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris ».

La composition de l’oeuvre

Etude du Serment du Jeu de paume par Jacques Louis David, dessin, Château de Versailles

Pour la conception de son oeuvre, David va procéder par une réflexion que l’on peut observer dans ses quatorze études à la plume et à l’encre noire. Ces différentes études le font aboutir à son tableau réalisé ici à la plume et à l’encre brune. Il se trouve aujourd’hui au musée national du château de Versailles. David y transcris une scène complexe, reflétant l’évènement du 20 juin 1789, bien qu’il ne fut pas présent à ce moment précis. Le tableau n’étant pas une photographie, il ne peut représenter d’une manière complètement véridique l’évènement. Ainsi on sait que certains personnages présentés n’étaient pas, en réalité, présents ce jour-là.

Tout d’abord, on observe un goût prononcé pour l’antique à travers trois points : le côté théâtrale de la composition, la grandeur de cette dernière, mais également la manière de représenter les personnages avec une anatomie parfaitement modelée tels les héros grecs et romains. Il va également donner une idée de mouvement et de désordre par les individus représentés et particulièrement par leurs actions, renforçant cette idée de théâtralité.

On observe tout au premier plan les députés qui sont représentés au moment précis du Serment. Certains sont reconnaissables comme le député Bailly qui lit le serment, debout sur une chaise et qui lève sa main droite ou encore certains autres protagonistes au premier plan comme Mirabeau, Grégoire ou Antoine Barnave. Tous les regards convergent vers ce dernier mettant ainsi en lumière le moment clé du Serment. L’idée principale qui ressort est celle de l’unité au-delà des différences. On retrouve cette idée au devant de la scène avec les membres du clergé comme l’abbé Grégoire ainsi que Rabaut saint-Etienne, un pasteur protestant, montrant ici une réconciliation entre catholiques et protestants. Les visages sont représentés de la même façon. David veut montrer que chaque personnage présent est un acteur qui joue un rôle important dans cet évènement. Cette trame est confirmés dans le livret de l’exposition de 1791 au Salon de Versailles, où il est inscrit que « l’Auteur n’a pas eu l’intention de donner la ressemblance aux membres de l’Assemblée ». Le peuple est également présent au niveau des fenêtres entourées de lumière, montrant ainsi qu’ils sont l’inspiration des députés, le lien entre le peuple et ses représentants est ici clairement établi. Les enfants quant à eux représentent l’avenir et de changement, idée confortée par le vent fort qui soulève les rideaux et emporte le passé. 

Par Faustine Landier pour Héritages