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Savez-vous vraiment comment vivaient les français sous Louis XIV?

by HERITAGES_OFF

Lorsque Louis XIV s’éteint en 1715, vingt-deux millions de Français se répartissent sur le territoire, faisant de la France le pays le plus peuplé d’Europe. L’essor des techniques et des consciences permirent une diminution très nette des morts infantiles et les diminutions progressives de l’impact des épidémies sur les populations entraînèrent inévitablement une hausse de la population durant tout la période du XVIIe-XVIIIe siècle. Oui, la vie des Français ruraux s’améliore. Évidemment, les conditions de vie diffèrent selon le statut social de l’individu, qu’il soit cultivateur, charron, négociant, curé de paroisse ou petit seigneur rural. Il existe également de fortes inégalités régionales ; un Français installé à l’ouest de la France sera moins frappé par les destructions des guerres qu’un Français installé à la même époque dans le Nord ou à l’est de la France. Car les guerres sous Louis XIV furent nombreuses et souvent au détriment des populations locales. Cependant, ces désastres de la vie courante n’empêchaient pas les civils ruraux de travailler ni de célébrer les festivités en période de paix. Car comme aujourd’hui, la vie des Français au XVIIe-XVIIIe siècle s’articulait autour du travail et des fêtes chômées. Quelle était donc la vie labourieuse et festive à la campagne sous l’Ancien Régime, et plus particulièrement sous le règne de Louis XIV ? Face à un si vaste sujet, nous allons essayer brièvement de répondre à cette question. Mais avant de traiter le travail et la fête, dressons d’abord rapidement un portrait des diverses sociétés au sein de la communauté rurale.

Les trois ordres sociaux dans le monde rural

Le Nain (1642), Le joueur de flûte

Qu’elle soit constituée de paysans, d’artisans, de commercants et de bourgeois, la communauté villageoise se retrouve autour de la paroisse. En effet, le village rural s’organise autour de la petite église et le curé, parfois accompagné de vicaires, représente l’une des figures essentielles dans la campagne française. Il rythme la vie des individus par le baptême, le mariage et l’inhumation de ses paroissiens. Il accompagne ses fidèles pendant une partie de leur vie, se joint à eux durant les fêtes religieuses et civiles célébrées au cœur du village. Le curé, parfois soutenu par un ou plusieurs clercs laïcs dans les plus grands villages, s’occupe de l’éducation de certains enfants, des garçons comme des filles, en leur apprenant à lire et à écrire avec la Bible. Parralèlement à leur éducation, les jeunes enfants aident leurs parents dans les travaux agricoles et artisanaux ; plus tard, ils reprendront l’entreprise et les terres de leur père alors l’expérience du métier débute très tôt. De son côté, la petite noblesse locale reste proche de ses domaines. Elle exerce des charges politiques ou militaires dans les villes de la région tout en percevant les redevances de leurs seigneuries et en administrant à distance leurs terres en les confiant à des représentants du pouvoir seigneurial. Ces élites sont parfois des bourgeois suffisamment riches pour investir dans la terre en achetant des titres seigneuriaux, devenant seigneurs d’une ou de plusieurs communautés. C’est ainsi qu’un seigneur issu d’une riche famille du Hainaut, Maximilien Augustin Capy, devient au début du XVIIIe siècle seigneur des communes d’Englefontaine, de Louvignies et de Ruesnes, dans le Nord de la France. Ainsi, le travail et les fonctions divergent selon la classe sociale des ruraux.

Le travail

Tout comme à l’époque médiévale, les Français sont encore majoritairement agriculteurs. Il faut attendre le XIXesiècle et l’exode rural pour que le rapport de force s’inverse. Pour l’heure, les dénominations des paysans dans les textes sont nombreuses : ouvriers agricoles, journaliers, manœuvriers, laboureurs, cultivateurs, etc… Du lever au coucher du soleil, du lundi au samedi et outre les jours chômés, les cultivateurs passent leurs journées dans leurs champs où il s’agit de semer, entretenir et récolter les productions céréalières et celles des légumineuses. La pratique agricole impose la culture des blés d’été, des blés d’hiver et la jachère (lorsqu’elle celle-ci est appliquée, nous parlons d’assolement triennal). Ainsi, la terre est cultivée deux fois durant l’année, sans compter l’entretien quotidien. Les artisans, quant à eux, constituent aussi une part importante du village tant leur diversité est importante. Chaque village possède son propre boulanger, son boucher, son tavernier ou aubergiste, ses forgerons, son charron. Là encore, le travail doit être quotidien sauf le dimanche, jour chômé où il est interdit de travailler sous peine de sanctions. Outre les dimanches, les jours fériés sous le règne de Louis XIV représentent environ quarante jours durant l’année. La plupart de ces journées sont des moments de festivités.

Les festivités et jours chômés au sein de la communauté villageoise

Illustration 1 : Peasant Kermis, David Teniers, vers 1665, Huile sur toile

Les fêtes sont majoritairement des moments d’unité où toutes les populations du village se regroupent en un seul et même banquet. Les fêtes familiales laissent place à de véritables fêtes de village, auxquelles tous les individus s’affairent à organiser l’évènement. Durant les beaux jours, la tablée est installée sur la place communale, où se mêlent le curé de la paroisse, les autorités de la seigneurie (mayeur et échevins, officiers, sergents, prévôts) et, s’il est présent, le seigneur lui-même, autour desquels se joint toute la population. Ce sont aussi des jours où la nourriture de chacun est mise à disposition de tous, donnant l’occasion notamment aux plus humbles ne pouvant consommer de la viande tous les jours, de pouvoir en manger. Ces festivités tissent de forts liens entre les villageois, engendrant une solide identité villageoise. Mais si ces jours chômés sont des moments de fêtes, des sanctions peuvent tomber. Nous l’avons vu, le dimanche est un jour sacré, où le travail y est interdit. Mais les jours fériés, chômés, sont également des journées où il est interdit de travailler, là encore, sous peine de sanctions. C’est le cas d’un certain Pierre Dupire, sa fille et ses domestiques qui, le jour de la fête chômée de la saint Marie-Magdeleine (22 juillet) 1694, dans la commune d’Englefontaine (Nord), osèrent charger du foin et le véhiculer, au moins en trois voyages, chez eux ; de même que Michel Benoist, sa femme et sa fille travaillèrent le foin ce même jour, dans le même village. Les autorités du village, les sergents à l’office d’Englefontaine « les ont condamnez et condamnent ensemble aux frais du présent ordonnance dudit Sieur bailly XII s. et pour ladite réquisition du procureur d’office X sous, pour jugement aux gens de loy VI liv. » Au total, les condamnés doivent payer la modique somme de 18 livres et 160 sous !

Nous l’avons vu, les travaux en milieux ruraux sont d’une grande diversité et répondent souvent à une codification particulière. Chacun s’inscrit dans une chaîne où chaque maillon est indispensable pour le maintien des autres. Le « grand siècle de Louis XIV » est une période, malgré les guerres perpétuelles, d’un développement très favorable pour les conditions de vie des populations. Les fêtes et les jours chômés, s’ils deviennent de moins en moins fréquents, restent courant dans une société encore fortement christianisée, et où la religion rythme durablement la vie des Français.

[1]CORNETTE (Joël), Absolutisme et Lumières 1652-1783. 6eédition revue et augmentée, Hachette Supérieur, Paris, 2012, pages 216-218.

[2]DEWERDT (Annie), Monographie d’Englefontaine par Alfred TURPIN, Publications de l’Association Généalogique Flandre Hainaut, Valenciennes, 2001, page 11.

[3]GRENIER (Jean-Yves), « Temps de travail et fêtes religieuses au XVIIIesiècle » in Revue Historique, Presses Universitaires de France, 2012/3, n°663, pages 609 à 641.

[4]DEWERDT (Annie), Monographie d’Englefontaine par Alfred TURPIN, Publications de l’Association Généalogique Flandre Hainaut, Valenciennes, 2001, page 119.

Bibliographie

Par Colombe Cissé pour Héritages