« En construisant des palais et des jardins, en les faisant décorer par Le Brun et Le Nôtre, en choisissant Lully et Lalande pour composer la bande-son de son règne, en protégeant Molière et Racine, le Roi-Soleil travaillait à la prospérité de son peuple (…), plus durablement qu’en accroissant son domaine par la guerre ou en modernisant son gouvernement. »[1]
Louis XIV aime sincèrement les arts. Cette sensibilité artistique vient de son éducation dispensée par son parrain Mazarin, grand collectionneur. Il joue du luth, du clavecin, de la guitare, pratique la danse, écoute le répertoire d’art lyrique italien plusieurs heures par jour, et collectionne les œuvres d’art (il possède plus de 2000 tableaux à la fin de son règne contre 500 en 1661).
Si le mécénat va de pair avec la société aristocratique (un Prince se doit d’avoir un mode de vie ostentatoire, de s’entourer d’artistes et de les protéger), cette passion de Louis XIV pour les arts va véritablement forger cette « culture » française au service grandeur nationale et développer considérablement la création artistique. L’éclat du règne de Louis XIV réside dans l’épanouissement général de toutes les formes d’art. Sa réussite ? Avoir su s’entourer des meilleurs parmi les meilleurs pour faire de la France « la mère des lois, des sciences et des arts. »[2]Écrivains, érudits, peintres, sculpteurs, architectes, jardiniers, physiciens et chimistes sont sollicités afin faire briller la France et de fasciner l’Europe.
Véritable amoureux de la danse, sa prestation dans le Ballet de la nuit le 23 février 1653 à l’âge de 15 ans illustre déjà la manière dont Louis XIV utilise l’art pour asseoir l’autorité royale. Il effectue ce soir-là une chorégraphie signée Beauchamp, composée d’assemblés, de sissonnes et d’entrechats, qui ancre le souverain dans la complexe mythologie solaire dans laquelle l’astre est associé à celui qui gouverne. Il jouera une soixantaine de rôle avant de tirer sa révérence dans Les Amants magnifiquesde Molière et Lully, à l’âge de 32 ans. Afin de soutenir et protéger cette pratique, il crée l’Académie royale de danse dès 1661, chargée de normaliser et codifier le système chorégraphique : « pour deux siècles, l’Europe chorégraphique sera devenue française »[3].
Cette Académie est la première d’une longue série puisque sous son règne voient le jour : l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1663, l’Académie des sciences et l’Académie de France à Rome en 1666, l’Académie royale de musique en 1669 (à laquelle est intégrée celle de danse, ancêtre de l’Opéra de Paris), l’Académie d’architecture en 1671, et la Comédie-Française en 1680. De plus, Louis XIV réorganise l’Académie de peinture et de sculpture en 1665 (création 1648) afin de lui insuffler un nouvel essor, et devient le protecteur de l’Académie française à la mort de Séguier (successeur de Richelieu) en 1672. Toutes ces institutions ont mis en place un système d’excellence et de transmission des savoir-faire encore en vigueur de nos jours.
De la même manière, Louis XIV demande à Colbert de créer ou de relancer de nombreuses manufactures dans tout le royaume. Celles-ci sont chargées de fabriquer les plus belles tapisseries, le plus beau mobilier, les plus belles pièces d’orfèvrerie, les plus belles dentelles, ou encore les fameux miroirs pour la Galerie des Glaces, afin de montrer au monde la virtuosité des artisans français et éviter une importation trop coûteuse. Pour cela, Colbert fait venir des dentelières vénitiennes et brugeoises ainsi que des verriers de Murano afin qu’ils puissent transmettre leur savoir-faire ; ce qui fait dire à l’Ambassadeur de Venise en 1668 : « Ce qu’il y a de mieux dans toutes les parties du monde se fabrique à présent en France ».
Le mécénat prend une politique d’ampleur inédite, et les commandes et les achats se multiplient. Véritable mélomane, Louis XIV demande à Lully et de Lalande de composer des ballets de cour, des tragédies lyriques, des musiques religieuses, des intermèdes, airs et chansons ; ce qui oblige les artistes à rivaliser d’inventivité. Ayant « le détail de tout », il suit de près leur composition : « Sa Majesté, dit-on, venait examiner plusieurs fois par le jour, et elle lui(de Lalande)faisait retoucher jusqu’à ce qu’elle en fût contente ». Féru de théâtre,il encourage Racine et Molière, qu’il « gracieusait en toute occasion »,dans leurs créations :Alexandre le Grand, Les Plaideurs, L’Amour médecin (écrit et appris en 5 jours !)ou encore leBourgeois gentilhomme(pour lequel le roi suggère la turquerie du IV acte). Le roi incite également ses deux artistes préférés, Molière et Lully, à travailler ensemble pour concilier ses trois arts favoris que sont le théâtre, la musique et la danse afin de créer la comédie-ballet.
Louis XIV s’entoure également des meilleurs talents de son époque à commencer par le trio unique formé par Le Brun, Le Nôtre et Le Vau à qui il confie son chef d’œuvre : Versailles, symbole de la puissance royale et véritable vitrine du savoir-faire français. Il n’hésite pas à devenir chef de chantier et chef décorateur : il impose son goût pour l’or et le marbre, élabore le programme iconographique, et donne à Le Brun les sujets du plafond de la Galerie.
Il accueille même les artistes au sein de son palais du Louvre. Ils y reçoivent un logement et un atelier afin de travailler, en contrepartie, à la gloire du monarque, et donc par extension à celle de la France. Le Louvre devient le palais des artistes, et selon les mots de l’historien François Bluche, le « Palais de la Culture. »
Tous ces artistes sont pensionnés par le roi. Chaque année, une liste est dressée par Chapelain et Perrault. En 1665, ils sont 75 dont 14 étrangers pour un montant total de 82 000 livres (les auteurs : Molière, Racine, Quinault, Boileau ; les musiciens : Lalande, Lully ; les peintres : Lebrun, Van der Meulen ; les scientifiques : Cassini, Huygens…).
Et comme « rien ne marque davantage la grandeur et l’esprit des princes que les bâtiments »[4], sont construits : Versailles, Le Trianon, Marly, Clagny, Les Invalides, la grande colonnade du Louvre, les pavillons du château de Vincennes, l’hôpital de la Salpêtrière, ou encore l’Observatoire de Paris, lieu où Cassini découvre entre 1671 et 1684 que l’anneau de saturne est constitué de deux parties distinctes (espace entre les 2 étant appelé « division de Cassini ») et où son assistant danois, Ole Römer, observe déjà que la lumière se déplace à une vitesse infinie. En somme, l’État prend en charge ce que l’on n’appelle pas encore « la culture », ce qui reste une spécificité française jusqu’à nos jours…
A retenir :
- L’éclat du règne de Louis XIV réside dans l’épanouissement général de toutes les formes d’art (majeurs, mineurs, arts vivants et mécaniques). Tout concourt à la gloire d’un souverain qui n’est pas seulement mécène mais aussi praticien.
- Une des caractéristiques du règne est que Louis XIV a créé tout un monde dédié à l’art en instituant des manufactures, des académies, des institutions avec un système de transmission de savoir-faire et d’excellence.
- L’État prend en charge ce qu’on n’appelle pas encore « la culture », ce qui reste une spécificité française jusqu’à nos jours…
Pour aller plus loin :
Notes
[1]Laurent Dandrieu, Le Roi et l’architecte. Louis XIV, le Bernin et la fabrique de la gloire,les éd.du cerf, 208p.
[2]Du Bellay
[3]Philippe Beaussant, Louis XIV : Artiste, ed. Payot, 2005, 256p.
[4]Colbert
Sources :
Par Océane Guichard pour Héritages