Les prémices de l’été se font sentir que voilà déjà les membres d’Héritages sur les routes de Normandie écumant les hauts lieux du patrimoine local. Un weekend s’annonçant haut en couleur, hormis pour son ciel fidèle aux coutumes locales. Notre entrain nous mène tout d’abord à Lisieux, sur les traces de « la petite Thérèse ». Rendez-vous est donné sur le parvis de la basilique érigée à partir de 1929 sur une colline surplombant la ville. Elle fait partie du sanctuaire construit à l’époque encore en dehors de la ville et est l’œuvre de l’architecte de Louis Marie Cordonnier. Inspirée par la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre elle peut accueillir plus de 3000 pèlerins ce qui rappelle l’engouement suscité par Sainte Thérèse. Nous sommes aussi marqués par l’imposant et inachevé campanile offert en ex-voto par les Pays-Bas. Mais notre périple ne fait que commencer et déjà nous nous dirigeons vers l’étape suivante.
Nous suivons donc la route de l’océan, empruntée par tant d’autres avant nous poussés par le vent des terres vers le lointain horizon. La station balnéaire de Villers-sur-Mer marque la descente des voitures, mais l’aventure continue à l’ouest : commence alors une activité paddle pour les membres de l’association où très vite se révèleront les différents profils : du marin d’eau douce au skipper éprouvé, chacun s’adapte à la houle et au vent pour essayer de tenir au mieux sur sa planche. Un radeau pour huit connaitra le sort du radeau de la Méduse, et au loin sur le rivage les passants voyaient s’affairer ses rameurs à rejoindre la terre. Poussés vers le large par le vent, nous voyons l’activité tournée en défi : la dérive nous a éloignés et c’est à chacun de ramer avec un vent de face. Le rivage est sûr mais nous apprécions nous battre avec les flots. Au retour de l’ensemble des membres, l’heure est aux sourires et récits de chacun : on félicite les rameurs et remercie le zodiac, sauveur de certains navigateurs un peu trop téméraires…
Les routes de la Normandie restent plus sûres pour se déplacer et nous nous engageons vers notre dernière étape du jour, délaissant la vaste étendue azur pour la sombre futaie d’une forêt normande. Arrivant sur place, il faut se frayer un chemin à travers les résineux élancés qui ne nous dévoilent l’objet de notre venue qu’au bout d’une allée : le château du Fontenil, à Saint Sulpice sur Risle, merveille architecturale cachée par la végétation. Nous sommes marqués par le lieu qui semble sommeiller, à l’écart du temps, qui retient ses secrets et son histoire au simple curieux. Il nous faut l’attachement et la connaissance de son propriétaire qui nous accueille pour nous livrer son riche héritage. Le château date de 1544 et repose sur les fondations d’un édifice féodal. Il aurait appartenu à Jacques de Beaune, baron de Semblançay et ministre de François Ier. Au cours des siècles, il connut de nombreux remaniements, notamment au XIXème siècle avec la construction de l’aile nord dans le style des villas deauvillaises. La brique rose et les motifs losangés de brique noires, les parements de calcaire à l’extérieur sont typiques de sa première phase de construction. A travers les 2500m² s’étendent un salon d’époque Louis XIV, une salle à manger coiffée d’un plafond à caissons du XIXème et ornée d’une cheminée sculptée représentant une chasse au faucon. La visite est ponctuée de surprises, de photos d’archives du château au début du siècle précédent, d’anecdotes sur des objets qui à eux seuls renferment un monde de savoirs-faires de correspondances et de vécus. Son point d’orgue est surement la charpente du logis central et celle de la tour cylindrique : entièrement d’origine, elle contient tout le savoir-faire des vélaïres, les charpentiers de moulins à vents dont elle s’inspire. Les lattes de peupliers se croisent en effet comme dans les moulins pour renforcer la structure face à l’action du vent. Notre hôte nous fait remarquer lors de la descente que la tour polygonale qui sert d’entrée a la particularité de ne pas contenir l’escalier qui est inscrit en double volée dans le corps du château. La visite du site se termine au bas du château, dans la clairière où nous allions dormir devant un étrange monolithe s’élevant fièrement : cette stèle rappelle la chute de la météorite de l’Aigle en 1803 dont les fragments s’étaient répandu dans la région.
Le soleil rougissait les murs avant de se coucher et que les flammes de la cheminée ne prennent sa relève. Nous nous apprêtons à diner en compagnie de notre hôte dans la salle à manger du château et continuons d’en apprendre plus sur le château. Un anniversaire mémorable est célébré sous
la lumière d’un lustre combattant seul l’obscurité et la nuit nous laisse à nos pensées dans ce lieu chargé d’histoires.
Le lendemain, une dernière visite d’importance nous attend, nous quittons Fontenil pour Beausmenil sur Ouche où s’élève le «Versailles normand » , le château de Beausmenil où nous sommes accueillis par la Fondation Fürstenberg-Beaumesnil. Construit dans le pur baroque style Louis XIII par Jacques Le Conte pour sa femme il succède à plusieurs bâtis depuis le XIIIème siècle. L’édifice actuel est pensé comme un lieu de fêtes et de plaisirs. Nous sommes impressionnés par l’harmonie entre les jardins, l’extérieur et les intérieurs fastueux. Le château abrite un musée de la reliure et sa bibliothèque contient de nombreux livres ayant appartenus à des rois, reines, ministres et autres grands hommes d’antan. Nous assistons à la préparation d’un caramel dans les cuisines du château préparé comme à l’époque avant de visiter la butte féodale, couverte telle une montagne de buis et couvrant une glacière, grotte artificielle à température ambiante destinée à garder au froid les aliments. Le parc invite à la promenade et nous donne à voir des perspectives qui se prolongent jusqu’à l’intérieur de la cage de l’escalier d’honneur. Les membres présents se souviendront longtemps du château, décrit par la plupart comme une parfaite alliance de monumentalité et d’intimité.
Comme souvent chez Héritages, nous aimerions prolonger le temps présent pour mieux nous plonger dans ces lieux de notre passé, mais conscients que d’autres aventures nous attendent, nous nous séparons pleins de passions, de souvenirs et d’images que nous espérons avoir su vous transmettre.
Alban LAMY