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Visite d’Orléans

30/03/2022 | by HERITAGES_OFF

Les 6 et 7 septembre, les taxis s’en allèrent perçant la nuit de leurs phares discrets et emportant avec eux les soldats et la jeunesse française. La Marne était leur destination.

Le 19 septembre, Reims assistait avec stupeur à l’incendie de sa cathédrale enflammée par une pluie d’obus allemands, situés sur les collines attenantes. Notre trajet était celui des soldats mais son issue s’annonçait moins incertaine.

Si le XXème siècle à laissé une empreinte indélébile sur l’Est du pays, notre but était de remonter plus loin dans le temps, plongés dans les siècles des rois, des sacres, des conflits, des unions et des alliances. Plus loin encore que ce que vous imaginez, à l’époque carolingienne. Faute de trouver des preuves physiques (du moins en nombre) il nous fallait revenir à l’époque carolingienne, et en déceler l’héritage.

Réunis sur le parvis, les membres de l’association faisaient face à la « cathédrale martyre » et à sa façade, véritable Bible de pierre à la polychromie passée par le temps. Car avant d’évoquer les richesses de l’édifice, l’histoire de ses stigmates raconte celle de la ville et de ses bâtisseurs. Ses clochers pyramidaux, sa flèche surplombant la croisée, ses quatre tours l’entourant montrent discrètement l’inachèvement de l’édifice. Un premier incendie en juillet 1481 ampute la toiture et entérine la possibilité de construire toutes les flèches envisagées. La verticalité de l’édifice ayant pour but de symboliser la verticalité du rapport de l’Homme au Divin. Celle-ci sera de nouveau brisée par les Allemands qui bombardent Reims et sa cathédrale considérée comme un point d’observation pour l’armée française, en plus de servir d’hôpital. Les flammes ravagent de nouveau la toiture et les clochers, altèrent la pierre et détruisent les statues. L’ange au sourire, symbole de la cathédrale perd sa tête et devra attendre 1938 pour que tout le bâtiment soit restauré, avec une charpente révolutionnaire en béton armé, voulue par l’architecte Henri Deneux. C’est sous l’impulsion de John Rockefeller que l’édifice du XIIIème siècle retrouve sa superbe, les fleurs de lys qui ornaient son faitage, disparues sous la révolution.

C’est ce symbole qui fait l’originalité de la cathédrale en plus de sa statuaire : plus de 2300 statues qui en disent plus long que de longs récits. La pierre s’anime et se spiritualise sous l’ardente et sévère main du tailleur. Le fil des siècles a obscurci la pierre mais le vaste programme iconographique continue à impressionner.

Au long de la visite du palais du Tau adjacent, nous verrons que certaines statues ont dû être remplacées et le face à face avec un Goliath minéral impressionne : trois mètres de haut, neuf tonnes, l’ensemble du travail du sculpteur mis à hauteur d’œil, détaché de sa niche. Au-dessus de lui, la galerie des rois, qui hormis Clovis au centre sont anonymes : ils sont là pour rappeler le rôle du souverain, servir la France au nom de Dieu. Reims et sa cathédrale sont indissociables de la monarchie française. Le roi s’y fait sacrer en mémoire du baptême de Clovis, qui par ce geste unit les rois et l’Eglise en ce lieu. Trente-trois rois y ont reçu la Sainte Ampoule, seuls sept rois n’ont pas été sacrés en ce lieu, et six dans la cathédrale antérieure. Le rituel du sacre est immuable et codifié. Plus de cinq heures de cérémonie suivis d’un festin au palais du Tau.

Nous quittons la cathédrale pour son voisin : Le palais accolé doit son nom à sa grande salle (dont le sous-sol conserve la forme ) en T, il est lieu de résidence de l’archiépiscopat et d’accueil du futur prétendant à la couronne. Celui-ci apporte avec lui de nombreux présents pour l’archevêque, qui au cours du temps ont constitué le trésor de la cathédrale. Le dernier sacre fut celui de Charles X, qui a fait pour l’occasion fabriquer l’ensemble du mobilier liturgique, tenues encore conservées au palais, tous chiffrés du C du futur souverain. L’argent doré sublime les objets finement ciselés et le reliquaire de la Sainte Ampoule, qui contient l’huile du baptême de Clovis.

Cette collection cohabite avec le trésor de la cathédrale, les présents royaux et les statues déposées de la cathédrale et entre autres merveilles le talisman de Charlemagne, porté autour de son cou qui devait contenir une mèche mariale. Aujourd’hui le talisman renferme une relique de la Sainte Croix, mais à part son cœur, le reste est daté au IXème siècle. Bien d’autres trésors sont encore à évoquer dans et hors de la cathédrale, autant qu’au palais, mais déjà nous devons quitter Reims sans même avoir pu prendre le temps de gouter à la spécialité locale, ce n’est que partie remise !

Par Alban Lamy