Il est près de deux heures et quart dans la clairière de Rethondes. Il fait encore nuit noire. Une délégation allemande est amenée dans le célèbre wagon-restaurant mis à disposition pour cette journée qui restera à tout jamais gravée dans les mémoires. Trois heures durant, les dignitaires allemands essaient de négocier une dernière fois, sans succès, les conditions des trente-quatre articles compris par le texte de l’armistice. Les négociations prennent fin. Il est cinq heures du matin.
À cinq heures et quart, Ferdinand Foch, généralissime des armées françaises et Matthias Erzberger, ministre du gouvernement allemand, signent l’armistice. Quelques gouttes d’encre viennent de sceller le destin de millions de soldats. Cet armistice est pourtant simplement provisoire, il est en fait signé pour trente-six jours. Il est reconduit plusieurs fois mais la sortie de la guerre ne sera actée que par le traité de Versailles signé six mois plus tard. Cet armistice entraine la victoire des alliés, la défaite des allemands mais surtout la fin de la guerre. Quinze minutes plus tard, un message est télégraphié de Foch à tous les commandants en chef des armées.
Changement de décor, nous voici à la chambre des députés. Le Palais Bourbon accueille une longue ovation pour Clémenceau qui lit à seize heures le texte de l’armistice aux députés. Il prononce ces paroles, ému : « Je cherche vainement ce qu’en pareil moment, après cette lecture devant la Chambre des représentants de la France, je pourrais ajouter. (…) Un mot seulement. Au nom du peuple français, au nom du gouvernement de la République française, le salut de la France une et indivisible à l’Alsace et à la Lorraine retrouvées. Et puis honneur à nos grands morts qui nous ont fait cette victoire ! Nous pouvons dire qu’avant tout armistice, la France a été libérée par la puissance de ses armes, et quand nos vivants, de retour sur nos boulevards, passeront devant nous, en marche vers l’Arc de Triomphe, nous les acclamerons. ». Au même instant, la foule est réunie devant l’Opéra de Paris et entonne une Marseillaise. La séance des députés est suspendue puis reprend. Le projet de loi en hommage à Clémenceau et Foch est voté.
Dix-huit heures déjà, Paris redevient la ville lumière après quatre années de guerre où tous les points lumineux étaient maintenus éteints afin de ne pas guider les bombardements. Les réjouissances durent jusque tard dans la nuit. Le préfet de Paris autorise exceptionnellement les établissements à rester ouverts jusqu’à vingt-trois heures. Retour chez Clémenceau. Lucide, ce dernier dit au général Mordacq « nous avons gagné la guerre et non sans peine. Maintenant, il va falloir gagner la paix, et ce sera peut-être encore plus difficile ». Prémonitoire, cette phrase semble déjà annoncer les heures les plus noires de l’histoire européenne… mais silence ! L’heure est à la célébration, la guerre est gagnée, Vive la République et vive la France !