Héritages

Le contexte de la guerre de Sept Ans

La guerre de Sept Ans se déroule de 1756 à 1763. Elle se termine par le traité de Paris qui démantèle le 1er empire colonial français. Certains historiens qualifient la guerre de Sept Ans de Première Guerre mondiale, puisque toute l’Europe participe aux combats et les affrontements se transportent dans les colonies françaises où la France se heurte à la Perfide Albion (la Grande-Bretagne). 

Il est très difficile de résumer cette guerre et quasiment impossible de l’isoler des autres évènements du début du XVIIIe. Elle est la conséquence logique des guerres de Succession de Pologne et de succession d’Autriche. Ses principaux personnages sont Louis XV, le roi de Prusse Frédéric II, la reine Marie Thérèse d’Autriche, la tsarine Elisabeth II, et le roi anglais Georges II. Ce sont avant tout les ambitions du roi de Prusse qui mettent le feu aux poudres, puis l’Angleterre y voit également son intérêt et se range du côté de la belliciste Prusse. En face, la France s’allie avec l’Autriche et la Russie. Il faut garder à l’esprit qu’à cette époque-là, la France domine l’échiquier politique et c’est elle qui mène une grande partie des combats. 

Si cette guerre est européenne, l’Angleterre transporte le conflit dans le 1er empire colonial français, plus précisément en Amérique du Nord et en Inde. En effet, la situation est très inconfortable et tendue dans ces deux colonies : les Anglais et les Français y sont au touche à touche et se battent pour les avantages commerciaux. Les Anglais veulent obtenir ce qu’ont les Français. Ils craquent dans leurs minuscules possessions et lorgnent les produits indiens et amérindiens (soies, indiennes, thé, cacao, mais aussi fourrures rapportées par les coureurs des bois). Quant aux Français, leurs territoires sont très étendus, mais le peuplement français est infime. A cette époque-là, les Français ont déjà peu d’enfants et peu d’envie de quitter leur pays où il fait bon vivre. 

Dupleix et Montcalm, deux hommes au service du roi de France

Il est plus simple de comprendre la réalité de cette guerre de Sept Ans par ses individus. Et puisque les colonies sont loin et que les rapports avec le roi et son gouvernement sont quasiment impossibles, les personnalités en charge des décisions prennent une grande importance dans le destin des territoires. 

C’est une histoire des vaincus. Dupleix et plus tard Montcalm sont de loyaux serviteurs de la monarchie mais seront sacrifiés, et les territoires qu’ils défendent, abandonnés par des calculs politiques de Louis XV. 

Ces deux hommes ne sont pas de la même génération, ne sont pas issus des mêmes milieux, n’ont pas les mêmes personnalités, ni même les mêmes ambitions, mais ils se sont croisés dans les ors et les fastes de Versailles, sans doute, et ce qui les réunit c’est l’immense confiance que le roi et ses ministres leur ont accordée. 

Dupleix est le fils d’un fermier général nouvellement enrichi. Il se met au service de la Compagnie Orientale des Indes, tenue par les fermiers généraux, qui a la mainmise sur le commerce avec l’Inde. Il s’y est installé, des responsabilités lui sont confiées, notamment à Chandernagor en 1730 (petit comptoir en perte de vitesse). Il s’en tire extrêmement bien. Il ira ensuite dans la grande ville de Pondichéry où il prendra la tête du sous-continent indien. 

Portrait de Joseph-François Dupleix, Louis François Sergent

 

La carrière de Montcalm n’a rien à voir. C’est un rejeton de la plus classique noblesse d’épée. Il est brillant militaire présent sur les champs de bataille dès ses 17 ans. Il participe à tous les conflits européens au service du roi de France et Dieu sait qu’ils furent nombreux. Ses états de service sont impressionnants : 31 ans dans l’armée, 11 campagnes militaires et 5 blessures. Et quand la guerre de Sept Ans éclate, malgré sa vieillesse (47 ans), le roi fait appel à ses services.

Portrait de Louis-Joseph de Montcalm par Louis François Sergent

La réalité du terrain et la lutte contre les Anglais

Au front, les deux hommes doivent s’adapter à la réalité du terrain. Le sous-continent indien est divisé entre de multitude de petits royaumes et principautés, dont les chefs sont en concurrence pour le pouvoir. 

La stratégie de Dupleix est de s’allier avec les uns pour lutter contre les autres afin d’obtenir des avantages financiers et commerciaux notables. C’est un choix audacieux que l’Angleterre voit d’un très mauvais Å“il et bien avant le début officiel de la guerre de Sept Ans, les escarmouches se multiplient. Finalement, à cause de choix politiques et de jalousies personnelles, Dupleix est prié de quitter ses fonctions en 1753 après 20 ans consacrés à l’Inde. Dupleix se sent abandonné et l’écrit noir sur blanc dans ses mémoires Â« j’ai sacrifié ma jeunesse, ma fortune, ma vie pour enrichir ma nation en Asie Â». 

Pour Montcalm c’est encore différent. Il a pour charge de défendre la vallée du Saint Laurent de la Nouvelle-France – correspondant à la zone géographique de l’Amérique du Nord et du Canada – contre les attaques réitérées des Anglais bien supérieurs en nombre. Pourtant il remporte des victoires éclatantes. Cependant, il comprend bien que cet avantage anglais peut lui faire défaut. Il envoie donc le capitaine de Bougainville demander des renforts en urgence, mais il s’entend répondre «  quand la maison brûle, on ne s’occupe pas des écuries Â» et on lui donne seulement 500 hommes. Québec tombe malgré la résistance héroïque des Français et des Amérindiens. Montcalm est gravement touché, il meurt des suites de ses blessures et la tradition rapporte qu’il aurait dit « tant mieux, je ne verrai pas les Anglais dans Québec Â». 

Les conséquences de cette guerre

On peut voir le destin de ces deux hommes comme un abandon et une trahison de Louis XV et son gouverneur. De fait, ils ont payé de leur vie et de leur fortune leur service à la couronne. Cependant Choiseul, le tout puissant ministre de Louis XV, n’a jamais caché que la Nouvelle-France et l’Inde n’étaient pas des priorités de la couronne. On constate notamment dans la galerie de la bibliothèque de Versailles (anciennement ministère des affaires étrangères) que la représentation de l’Amérique n’occupe qu’un modeste panneau, bien moins grand que ceux des autres continents. 

Il ne faut pas oublier non plus qu’en 1759, au moment de la perte de la Nouvelle-France, plus de 100 000 soldats français sont dispersés en Europe, et c’est là, la priorité du roi et de son ministre. 

Le traité de Paris en 1763 ne fait qu’acter les défaites françaises. L’Angleterre est la grande gagnante, elle obtient la Nouvelle-France et les comptoirs indiens français. Quant à la situation européenne, on en reste au statu quo ante bellum, rien ne change. 

On ne peut s’interdire d’imaginer ce qu’aurait été le destin du monde si la France avait gardé ses possessions coloniales du XVIIIe s. Le français serait encore la langue la plus parlée au monde, les Amérindiens n’auraient pas été massacrés par les Anglais et la capitale de l’Inde n’aurait pas été Calcutta mais Pondichéry. 

Agnès Dirat 

Sources:

  • Dave Noël, Montcalm, général américain, ed. du Boréal, 2018
  •  Marc Vigié, Dupleix, Paris, Fayard1993

Pour aller plus loin :

  • Deux films : Le dernier des Mohicans et Barry Lyndon 
  • Une vidéo YouTube https://www.youtube.com/watch?v=QWR7jV51pnk Le marquis de Montcalm, comment la France a perdu l’Amérique. 
  • Une BD, Raoul Cauvin, Lambil, Les tuniques bleues, 26. L’or du Québec