Héritages

On ne cesse de vous le répéter, les Années folles sont synonymes de légèreté et de libération des moeurs et des corps. Après la Première Guerre mondiale, l’ancien monde vole en éclats et le monde du sport n’y échappe pas. Le sport devient une activité qui célèbre la bonne camaraderie et met en avant des corps sains et en bonne santé. Comme si après une des guerres les plus meurtrières de l’histoire, il fallait prendre soin des corps encore vivants et trouver un nouvel exutoire. Avec l’essor des médias, les sportifs, tant masculins que féminins, deviennent de véritables vedettes. 

Le sport après la guerre

Au lendemain de la guerre, l’intérêt de la population pour le sport ne cesse de croître. De nombreuses fédérations sportives sont créées. Elles prennent le relais des patronages. Le sport se professionnalise et le niveau des sportifs s’améliore. Les foules sont de plus en plus nombreuses à assister aux compétitions ou à suivre avidement les évènements sportifs. 

Départ du marathon, 13 juillet 1924, stade olympique de Colombes (JO 1924 de Paris)

La boxe, le foot, le rugby, l’athlétisme, l’automobile et bien sûr le cyclisme se développent largement. Tous les grands journaux se dotent d’une rubrique sportive. Comme L’Auto, grand quotidien sportif de l’époque, avait créé le Tour de France en 1903 pour relancer ses ventes, Le Petit Parisien patronne la coupe de France de football à partir de 1917. 

Pendant les Années folles, les médias se servent de la popularité croissante du sport pour assurer leurs ventes et sécuriser leur public. 

A la fin des années 1920, est créé pour la première fois, un sous-secrétariat d’Etat à l’éducation physique, rattaché au ministère de l’Instruction publique. 

Paris 1924 et les débuts du sport médiatisé

La grande compétition sportive des Années folles se doit d’être les Jeux Olympiques de Paris en 1924. L’effet de la médiatisation du sport prend alors toute son ampleur. Avec l’arrivée de la Grande Guerre, la volonté de rassembler les nations pour une grande compétition sportive avait été bien vite freinée. Mais en 1924, ce sont 44 pays qui se réunissent en France pour  participer à 126 épreuves dans 17 sports différents. 

Ce qui a rendu ces jeux particulièrement populaires, c’est la façon révolutionnaire par laquelle ils ont été couverts par la presse. En effet, à partir de 1924, se mettent en place des procédés médiatiques jamais utilisés auparavant. Plus de 700 journalistes couvrent l’événement et c’est la première fois que les épreuves et leurs résultats sont commentées en direct à la radio, grâce à la télégraphie sans fil (TSF). Quelle joie pour les auditeurs de découvrir les résultats directement plutôt que d’attendre le lendemain. La radio devient un média de masse pendant l’Entre-deux-guerres, notamment grâce à l’installation de postes émetteurs dans les stades au début des Années folles. 

Cependant, les organisateurs souhaitent privilégier la presse écrite. C’est donc cette-dernière qui garde la part belle et ses photos qui illustrent le mieux l’évènement. Les journalistes s’investissent corps et âme pour rendre compte le mieux possible de la réalité du terrain. Edmond Dehorter par exemple, le premier commentateur sportif français, s’est placé dans une montgolfière en vol afin d’avoir la plus grande visibilité.

Si les Jeux Olympiques ont permis aux médias de se développer, ces derniers ont eux aussi permis au sport d’avoir une plus grande place dans la vie des Français.

Le rapport au corps et l’apparition des vedettes  

A travers les articles de presse, les images et la radio, la vision du sportif par les spectateurs se modifie. Les médias les mettent en scène dans leur quotidien et leur intimité, aux côtés de leurs proches. Les lecteurs et auditeurs ont l’impression de mieux les connaître. Le sportif devient alors un modèle à suivre, il incarne un idéal à atteindre. Les champions deviennent des vedettes. 

Equipe belge de football

La photo est le moyen privilégié pour mettre la vedette en avant. Les corps athlètes et musclés sont de plus en plus représentés. Des classements sont mis en place par la presse. On peut notamment citer le concours de Match-l’Intran, ancêtre de Paris-Match, qui élit chaque année le plus bel athlète de France. Le rapport des Français au corps change donc considérablement. 

Cependant, si l’athlète masculin est représenté comme puissant et musclé, la sportive, elle, doit rester élégante, délicate et fine. 

Les figures de proue du sport féminin

Au sortir de la guerre, les femmes pratiquent des sports historiquement réservés aux hommes : l’athlétisme, le rugby, le cyclisme, la boxe, l’haltérophilie… Mais la société voit cela d’un mauvais Å“il. 

Suzanne Lenglen, meilleure joueuse de tennis du monde (elle gagnait tous ses matchs) et première vedette internationale de tennis, profite de cet âge d’or des médias pour donner une nouvelle image à la sportive. Elle apprend vite à poser devant l’objectif. La joueuse se met en scène : on la voit en jupe courte jouer au tennis, gracieuse comme une ballerine. On la surnomme la « danseuses des courts ». En réalité, quand elle joue, elle utilise toute sa force et son dynamisme. 

Mais Suzanne Lenglen n’est pas la seule. Alice Milliat, va créer les premières compétitions et fédérations féminines. C’est également elle qui insuffle le mouvement des compétitions sportives féminines internationales. On la considère comme Pierre de Coubertin au féminin. En 1922 ont lieu les premiers jeux olympiques féminins à Paris.

Ces femmes avaient une envie d’aventure et de découverte, et n’hésitaient pas à se dépasser pour atteindre leur objectif. 

Sources :

Visions et mythes des femmes sportives dans les Années folles, Rétronews

L’apparition des vedettes sportives dans la France de l’entre-deux-guerres, chroniques chartistes

Les sports, France Archives

Pour aller plus loin

Depuis Edmond Dehorter, 100 ans de sport à la radio !

Agnès Dirat, Anne-Charlotte Phan